Impact négatifs des techniques d’AMP sur la croissance fœtale : étude d’une cohorte nationale française
Impact négatifs des techniques d’AMP sur la croissance foetale : étude d’une cohorte nationale française
Sermondade N, Hesters L, De Mouzon J, Devaux A, Epelboin S, Fauque P, Gervoise-Boyer MJ, Labrosse J, Viot G, Bergère M, Devienne C, Jonveaux P, Levy R, Pessione F.Reprod Biomed Online. 2023 Apr;46(4):739-749. doi: 10.1016/j.rbmo.2023.01.006. Epub 2023 Jan 11.
Résumé d’article : Patrice CLEMENT
Mots clés : AMP, FIV, fœtus, anomalies fœtales.
Plus de 8 millions d’enfants sont déjà nés dans le monde après des techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP), ceci représentant entre 3 à 5% des enfants nés chaque année. La santé de ces enfants est une question que se posent en permanence les cliniciens et biologistes intervenant dans la réalisation de ces techniques.
Les politiques de transfert d’un seul embryon (sauf situation devant être clairement discutée) ont diminué les risques de complications. Néanmoins, même en cas de transfert d’un embryon unique, le risque de complication périnatale est plus élevé après AMP qu’après une grossesse naturelle (Pandey et col, 2012).
Des différences sont également retrouvées en fonction de la technique d’AMP (Maheshwari et col, 2018), voir même du type de préparation endométriale avant le transfert embryonnaire (Wang et col, 2020).
Les anomalies de croissance fœtale peuvent avoir des conséquences à long terme sur l’enfant, notamment problèmes cardiaques, psychiques et difficultés d’adaptation sociale en cas de petits poids fœtal ou risque d’obésité en cas de poids fœtal élevé. (Derraik et col 2020).
La question délicate est de savoir si ce sont les techniques elles même d’AMP qui jouent un rôle dans ces désordres ou si ceux-ci sont dus à la population infertile ayant recours à ces techniques. Différentes approches méthodologiques ont essayé de répondre à cette question. Pour cela les registres combinant les cycles d’AMP avec les données fœtales, intégrant si possible les données de parents sont d’un apport très important pour chercher si ces différences existent.
Cette étude très intéressante, réalisée à partir du registre français des tentatives d’AMP, a cherché à savoir quelle pouvait être la part de responsabilité entre la technique d’AMP elle-même et le contexte maternel dans les anomalies de croissance fœtal après une telle technique d’aide à la procréation.
Cette étude rétrospective a été faite à partir des données françaises de tentatives d’AMP réalisées entre 2013 et 2017.
Elle a comparé les données de croissances fœtales à partir des cas suivants :
- 45201 transferts d’embryons « frais »
- 18845 transferts d’embryons congelés
- 20179 tentatives d’inséminations intra-utérines
- 3412868 grossesses spontanées.
Les anomalies de la croissance fœtal ont été définies à partir du poids en percentiles en tenant compte de l’âge gestationnel et du sexe :
- Petit poids quand < 10ème percentile
- Grand poids quand > 90ème percentile
Les analyses statistiques ont été réalisées à partir de modèle logistique univariés et multivariés.
Par rapport aux naissances après conception naturelle, l’analyse multivariée a montré :
- Un risque augmenté de petit poids fœtal après transfert d’embryons frais (odds ratio de 1,26 (1,22 – 1,29))
- Un risque augmenté de petit poids fœtal après Insémination Intra Utérine (odds ratio de 1,08 (1,03 - 1,12))
- Le risque de poids fœtal plus élevé est le même entre grossesses naturelles et grossesses après Insémination Intra Utérine
- Un risque plus faible de petit poids fœtal après transfert d’embryons congelés (odds ratio de 0,79 (0,75 – 0,83))
- Pour le transfert d’embryons congelés, le risque de poids fœtal plus élevé est plus marqué après cycles artificiels (odds ratio de 1,32 (1,27 – 1,38)) par rapport aux cycles ovulatoires (odds ratio de 1,25 (1,15 – 1,36)).
- Les mêmes différences sont retrouvées dans le sous-groupe des naissances sans aucune morbidité obstétricale ou néonatale.
Il semble donc y avoir un impact des techniques d’Assistance Médicale à la Procréation sur le poids fœtal indépendamment du contexte maternel et des morbidités obstétricales et néonatales, le mécanisme physiopathologique étant mal compris.
Les résultats de cette étude confirment les conclusions d’autres études montrant un impact des techniques d’AMP sur la santé des enfants, y compris pour les grossesses singletons comparé aux grossesses naturelles (Pessione et col, 2020).
Différentes hypothèses physio-pathologiques sont évoquées pour expliquer ces différences :
- Le contexte d’infertilité du couple, lui-même (Pinborg et col, 2013)
- Le contexte de stimulation ovarienne avec taux élevé d’oestradiol et de progestérone (Pereira et col, 2015)
- La culture embryonnaire avec ses différentes étapes (Lambert et col, 2003)
Dans tous les cas, il semble que la cause de ces anomalies soit multifactorielle mais qu’un des problèmes principaux repose sur des modifications épigénétiques lié à ces techniques dans leur ensemble (Barberet et col, 2022).
Les différences retrouvées entre transferts d’embryons frais versus transfert d’embryons congelés montrent que la stimulation ovarienne et la préparation de l’endomètre sont aussi clairement en cause et que dans ce contexte, une politique dite de « freeze-all » suivi d’un transfert sur un cycle ovulatoire, puisse avoir un intérêt et au moins être discuté par l’équipe clinico-biologique en amont des tentatives afin de diminuer le risque d’anomalie de croissance fœtale.
Références :
Sermondade N, Hesters L, De Mouzon J, Devaux A, Epelboin S, Fauque P, Gervoise-Boyer MJ, Labrosse J, Viot G, Bergère M, Devienne C, Jonveaux P, Levy R, Pessione F.Reprod Biomed Online. 2023 Apr;46(4):739-749. doi: 10.1016/j.rbmo.2023.01.006. Epub 2023 Jan 11.
Pandey S, Shetty A, Hamilton M, Bhattacharya S, Maheshwari A.Hum Reprod Update. 2012 Sep-Oct;18(5):485-503. doi: 10.1093/humupd/dms018. Epub 2012 May 19.
Maheshwari A, Pandey S, Amalraj Raja E, Shetty A, Hamilton M, Bhattacharya S.Hum Reprod Update. 2018 Jan 1;24(1):35-58. doi: 10.1093/humupd/dmx031.PMID: 29155965
Large-for-gestational-age phenotypes and obesity risk in adulthood: a study of 195,936 women.
Derraik JGB, Maessen SE, Gibbins JD, Cutfield WS, Lundgren M, Ahlsson F.Sci Rep. 2020 Feb 7;10(1):2157. doi: 10.1038/s41598-020-58827-5.PMID: 32034195
Pessione F, De Mouzon J, Deveaux A, Epelboin S, Gervoise-Boyer MJ, Jimenez C, Levy R, Valentin M, Viot G, Bergère M, Merlet F, Jonveaux P.Gynecol Obstet Fertil Senol. 2020 Apr;48(4):351-358. doi: 10.1016/j.gofs.2020.02.002. Epub 2020 Feb 11.PMID: 32058045
Epigenetics and assisted reproductive technologies.
Pinborg A, Loft A, Romundstad LB, Wennerholm UB, Söderström-Anttila V, Bergh C, Aittomäki K.Acta Obstet Gynecol Scand. 2016 Jan;95(1):10-5. doi: 10.1111/aogs.12799. Epub 2015 Nov 12.PMID: 26458360
Pinborg A, Henningsen AA, Loft A, Malchau SS, Forman J, Andersen AN.Hum Reprod. 2014 Mar;29(3):618-27. doi: 10.1093/humrep/det440. Epub 2014 Jan 9.PMID: 24413766
DNA methylation profiles after ART during human lifespan: a systematic review and meta-analysis.
Barberet J, Ducreux B, Guilleman M, Simon E, Bruno C, Fauque P.Hum Reprod Update. 2022 Aug 25;28(5):629-655. doi: 10.1093/humupd/dmac010.PMID: 35259267